Cet après-midi, Jean Termin doit s’acquitter d’une tâche qui le rend nerveux : subir une conversation téléphonique. Il s’inquiète pour ses délicates oreilles, qui souffrent quotidiennement du massacre chronique de la langue parlée en milieu de travail.

Il prend son courage à deux mains, décroche le combiné, compose le numéro de téléphone et attend en souhaitant que tout se passe bien. Un homme répond :

— Mirliton communications, veuillez garder la ligne…

Une douce mélodie prend le relais de la voix pour signaler que l’appel est mis en attente. Jean fulmine. La musique cesse pour laisser place à la voix de l’employé générateur de fautes.

— Merci d’avoir patienté. Comment puis-je vous aider ?

— Comment m’aider ? Je vais vous le dire : en cessant de convier les  gens à garder la ligne ! En français, on demandera plutôt de rester en  ligne. On pourrait aussi dire ceci : « Un moment, je vous prie. »

La musique s’élève de nouveau dans le combiné, mais Jean , trop occupé à donner des leçons à son interlocuteur, ne le remarque pas.

— Vous pourriez aussi employer l’impératif de manière courtoise : « Ne quittez pas, mon cher… » Oui, ce serait mieux ainsi.

Jean prend conscience du fait qu’il est en train de s’adresser au vide, alors il se tait et continue de patienter.

Au milieu d’une sonate d’ascenseur, la voix fautive est de retour :

— Rebonjour…

— Monsieur, j’aimerais parler à madame Champolion…

— Je vérifie si elle est libre et je vous transfère à elle.

— Non, vous ne me transférerez pas à elle !

— Vous ne désirez pas lui parler ?

— Bien sûr que si, mais vous ne pouvez pas me transférer à elle (ni me communiquer à elle, d’ailleurs), ce serait une faute de mauvais goût, voire une faute tout court…

— Heu, d’accord. Alors, que voulez-vous que je fasse ?

— Je veux que vous me mettiez en communication avec elle ou que vous acheminiez mon appel. Voilà ce que je veux !

— À votre service…

La musique recommence.

— Madame Champolion est allée chez Pharmaplus…

— Au…

— Pardon ?

— Madame Champolion ne peut pas être allée chez Pharmaplus. Elle est au Pharmaplus, pas chez Pharmaplus.

— Je ne vois pas bien quelle différence ça fait, monsieur. Je vais prendre vos coordonnées et…

— Cela représente toute la différence du monde, mon jeune ami ! On emploie chez devant les raisons sociales qui sont aussi des noms de personnes : chez Hurtubise, chez Martin… Dans les autres cas, il faut impérativement utiliser la préposition à (ou son dérivé au) : à Hydro-Québec, au Pharmaplus.

—Madame Champolion n’est pas là de toute façon…

— Je peux vous concéder cela, si vous y tenez. Maintenant, prenez un papier et notez bien mon nom : Jean Termin. Madame saura où me joindre.

— Bien, je lui dirai de retourner votre appel.

— Jamais !

— Mais pourquoi m’avoir demandé de noter votre nom ?

— Pour que madame me rappelle.

— C’est ce que j’ai dit.

— Non ! En bonne usine à anglicismes, vous avez dit retourner mon appel et non RAPPELER !

— Ne vous énervez pas, monsieur Termin ! Je lui dirai de vous RAPPELER !

L’homme raccroche au nez de Jean, qui ne comprend pas ce qu’il a pu faire pour mériter un tel traitement.

Les quatre erreurs à ne pas commettre :

1-On ne dit pas garder la ligne, on invitera plutôt à rester en ligne. On peut aussi formuler : « Un moment, je vous prie. »

2- On ne transfère pas un appel : on l’achemine, ou encore, on met en communication avec Y.

3- On emploie chez devant les raisons sociales qui sont aussi des noms de personnes : chez Hurtubise, chez Martin… Dans les autres cas, il faut impérativement utiliser la préposition à (ou son dérivé au) : à Hydro-Québec, au Pharmaplus.

4-on dit rappeler et non retourner un appel.

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