« Ah ben mon vieux, si j’aurais su, j’aurais pas venu », pleurniche Petit Gibus dans La Guerre des boutons, un charmant film adapté d’un roman français et sorti dans les années 1960. Cette réplique est devenue rapidement mythique pour toute une génération. Sa renommée tient à l’irrésistible mimique du petit garçon quand il la marmonne, flambant nu ; ses ennemis jurés, les enfants du village voisin, ont arraché tous les boutons qui attachaient ses vêtements.
Mais la notoriété de cette citation découle surtout des deux magistrales fautes de conjugaison qu’elle contient à elle seule : le mauvais emploi du conditionnel dans le premier verbe et l’erreur d’auxiliaire dans le second. Je ne mentionne pas l’omission du « ne », dont l’absence quasi généralisée dans les dialogues des enfants fait force de loi.
La phrase correcte est bien sûr : « …si j’avais su, je ne serais pas venu. » La leçon de Petit Gibus n’a malheureusement pas traversé le temps. Trop souvent mes oreilles sont écorchées en entendant: « si j’aurais voulu, si tu pourrais venir, s’il aurait fait ça, etc. ».
La règle est que lorsqu’on emploie la conjonction si, qui exprime déjà une condition, il est inutile de la doubler d’un verbe conjugué au conditionnel. Un moyen mnémotechnique traditionnel pour assimiler cette règle est de mémoriser la phrase « Les scies n’aiment pas les raies », ou plus simplement, «Les si n’aiment pas les rais».