« On cherche ce qu’il dit après qu’il a parlé », se moque Chrysale, le mari de Philaminte, en décrivant Trissotin, le pédant poète dont raffole son épouse. Cette réplique est issue des Femmes savantes, une réjouissante comédie de mœurs de Molière, demeurée étonnamment moderne malgré ses trois siècles et demi d’existence. Ne qualifie-t-on pas le français de « langue de Molière » ? Il faut donc admettre que nous pouvons prendre exemple sur ce brillant auteur si cher à nos cœurs : or, c’est bien le passé composé, un temps du mode indicatif, qu’il met dans la bouche de Chrysale lorsque ce personnage utilise la proposition temporelle débutant par « après que ».

Hélas, de nos jours, on lit trop souvent dans les articles de journaux, et parfois même dans la littérature, et l’on entend régulièrement dans la langue parlée, à la radio et à la télévision, la locution conjonctive « après que » construite avec le subjonctif : après qu’elle soit venue, après qu’ils aient décidé, etc.

Pourtant, la proposition introduite par « après que » signifie que le fait passé a eu lieu dans la réalité. L’événement n’a rien d’hypothétique, il s’est effectivement déroulé. Il réclame donc un temps qui reflète une circonstance avérée, ce qui est le cas du mode indicatif. À noter que la locution peut se conjuguer avec le futur antérieur, un temps appartenant également à l’indicatif, si la proposition principale se situe elle aussi dans le futur, en constituant toutefois une action qui va se produire assurément. Par exemple, il est correct de dire : « Après que nous aurons mangé, nous commencerons à travailler. »

Une astuce pour s’aider à utiliser le temps qui convient consiste à remplacer « après que » par « une fois que ». L’indicatif paraît alors plus naturel : « Une fois que nous aurons mangé, nous commencerons à travailler. » En effet, l’emploi du subjonctif dans la phrase débutant par « après que » est une erreur de grammaire induite par l’analogie fautive commise avec la proposition temporelle inverse « avant que », qui, elle, requiert effectivement le subjonctif : l’action n’a pas encore eu lieu, elle est incertaine, elle dépend des circonstances ; son accomplissement peut être espéré, ou au contraire, redouté, voire évité.

Là aussi, laissons un des plus illustres maîtres de la langue française, Jean de La Fontaine, nous offrir une démonstration. Dans la fable intitulée Le meunier, son fils et l’âne, il fait dire à Malherbe, un poète du XVIIe siècle : « Écoutez ce récit avant que je réponde. » La locution conjonctive « avant que » est construite avec le présent du subjonctif puisque l’événement à venir constitue une visée, un but à atteindre et n’existe pas dans la réalité au moment où l’on en parle. La phrase appelle alors un temps représentatif de cette éventualité, qui est donné par le mode subjonctif.

En conclusion, avant qu’ils ne commettent trop d’erreurs de conjugaison, il est sage de recommander aux élèves d’écrire leur rédaction après qu’ils ont retenu leurs leçons !

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