« … j’aurais eu des chèvres que j’aurais menées brouter dans les buissons », rêve la Valentine de George Sand, en s’imaginant fermière, car bien que née comtesse, elle est amoureuse d’un paysan. L’auteure, rare précurseure du féminisme au XIXe siècle, nous donne ici à apprécier l’excellence de sa grammaire : en effet, le participe passé suivi d’un infinitif s’accorde avec le complément d’objet direct qui le précède si celui-ci se rapporte à ce participe et qu’il accomplit l’action indiquée par l’infinitif, autrement dit, qu’il en est le sujet : J’aurais mené qui ? Réponse : les chèvres qui auraient brouté.

Autres exemples :

Les personnes que mon frère a vues partir : mon frère a vu qui ? Réponse : les personnes partir.

Les merles que tu as entendus siffler : tu as entendu quoi ? Réponse : les merles siffler.

Mais le participe passé suivi d’un infinitif est invariable dans le cas contraire :

On devine donc que ce participe passé reste invariable si le complément d’objet direct ne se rapporte pas à ce participe, mais plutôt à l’infinitif qui suit, comme dans les exemples ci-après :

Les marchandises que le commerçant a voulu vendre : le complément, les marchandises, se rapporte au verbe vendre et non au verbe vouloir, qui se rapporte au sujet, le commerçant.

Les poèmes qu’elle a pensé composer : le complément, les poèmes, se rapporte au verbe composer et non au verbe penser, qui se rapporte au sujet, elle.

Pour s’en souvenir :

Il faut savoir qui accomplit l’action. Aussi, si l’on peut intercaler entre le participe passé et le verbe à l’infinitif les mots « en train de » tout en conservant le sens de la phrase, on sait qu’il faut accorder le participe passé :

Les personnes que mon frère a vues en train de partir.

Les merles que tu as entendus en train de siffler.

Une exception à ne pas oublier :

Le participe passé fait immédiatement suivi d’un verbe à l’infinitif est toujours invariable, car on considère qu’il appartient au verbe à l’infinitif :

La colère que les enfants lui ont fait piquer (et non pas faite piquer).

Les sentiments qu’elle lui a fait éprouver (et non pas faits éprouver).

La loi qu’ils lui ont fait appliquer (et non pas faite appliquer).

Dans ces derniers exemples, on juge que « faire piquer », « faire éprouver » et « faire appliquer » forment un tout.

À venir : l’accord du participe passé d’un verbe pronominal suivi d’un verbe à l’infinitif…

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