Une épithète est un adjectif que l’on adjoint à un nom ou un pronom pour le qualifier. Elle se rattache généralement au nom directement, sans préposition. À l’opposé de l’adjectif attribut, elle n’est pas introduite par un verbe d’état. L’épithète est placée immédiatement avant ou après le nom qu’elle précise, et s’accorde en genre et en nombre avec lui. Elle apporte une information supplémentaire, mais peut être supprimée sans modifier profondément le sens de la phrase.

Il arrive qu’un nom ou une locution soit utilisé comme épithète afin de caractériser un autre nom. Voici quelques exemples familiers : un chèque cadeau, un public cible, un roman fleuve, une grand-mère gâteau, une carte réseau, une serviette éponge, un bijou fantaisie.

La question qui se pose est de savoir si ce nom épithète s’accorde avec le nom qu’il qualifie. Écrira-t-on « Elle a des manières canaille » ou « Elle a des manières canailles » ?

L’usage hésite, d’autant que cette tournure créative donne lieu à un grand nombre d’expressions inédites. Toutefois, pour déterminer la façon juste de les écrire, il est possible de se baser sur le sens qu’apporte le nom épithète et la façon dont il transforme le nom auquel il se rapporte.

  • Le nom épithète est invariable

Si l’on peut dire que le nom qualifié par le nom épithète est « semblable au » nom épithète, et donc ajouter « qui est comme » ou encore « comme si », alors le nom épithète reste invariable : dans notre exemple, puisque l’on peut dire « Elle a des manières semblables à celles de la canaille », le mot « canaille » demeure invariable. Pierre Loti, dans L’Exilée, nous montre ainsi la voie :

« …la langue japonaise ne possède pas un seul mot injurieux et, dans le monde des marchandes de poissons ou des portefaix, les formules les plus régence sont d’usage. »

En effet, il s’agit dans ce cas d’une expression elliptique, ce qui signifie que c’est une réduction de construction qui aurait dû utiliser une préposition ; l’auteur aurait pu écrire, par exemple : les formules les plus soignées de la régence

  • Le nom épithète s’accorde

En revanche, lorsque le nom épithète apporte une qualification supplémentaire, il varie en genre et en nombre, comme le nom qu’il caractérise. Son rôle est alors proche de celui d’un adjectif. Aussi, pour savoir si l’on doit accorder le nom épithète dans cette construction, on peut ajouter « qui sont ». On écrira par exemple : des légumes racines (des légumes qui sont des racines). Dans son poème intitulé « La nouvelle saison », Jacques Prévert parle ainsi d’ « Une lune bonne enfant ». Victor Hugo, lui, dans Les Misérables, dépeint cette image : « C’étaient des hommes géants sur des chevaux colosses. »

  • Le trait d’union

Doit-on ajouter un trait d’union entre le nom et le nom épithète ? Ici aussi, l’usage est flottant. Cependant, il faut savoir d’une part que le trait d’union marque souvent l’institutionnalisation d’une expression (un timbre-poste, un café-théâtre, par exemple), et d’autre part que l’expression devient alors un mot composé : ce sont donc les règles, complexes, à ce sujet qui s’appliquent.

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