Le dictionnaire est une ressource précieuse du point de vue des référents culturels d’une société. Il contient une part de notre identité, de nos valeurs, de nos références.

Mais ces référents culturels varient d’une région à l’autre. Si on demandait à un Africain et à un Québécois le sens du mot « nord » pour eux, ils ne décriraient certainement pas les mêmes spécificités. Si on demandait à un Européen à quoi peut faire référence le mot « fleuve », il aurait une réponse assez différente de celle d’un Québécois : sur un pont, on peut traverser à pied en moins de cinq minutes le fleuve La Seine à Paris ou La Tamise à Londres, mais traverser le fleuve Saint-Laurent à pied à Québec, à Trois-Rivières ou à Montréal relève d’une tout autre réalité!

La grande linguiste Hélène Cajolet-Laganière a contribué à faire prendre conscience de ces réalités divergentes. Maitre d’œuvre du dictionnaire Usito (maintenant gratuit pour tous, explorez-le en ligne), elle explique que le point de vue du lexicographe a une influence sur la description qu’il fera de la langue et de la réalité du monde. Certes, les différents types de dictionnaires possèdent chacun  leur richesse et leur organisation propres. Cependant, il faut être conscient qu’un dictionnaire conçu en Europe (Petit Robert, Petit Larousse, Dictionnaire Hachette, Littré, Dictionnaire de l’Académie française) sera nécessairement teinté de son appartenance géographique. De son côté, un dictionnaire québécois (Usito, Multidictionnaire de la langue française, dictionnaire du correcteur Antidote) décrira certaines réalités spécifiques bien ancrées dans une réalité nord-américaine, mais moins connues ailleurs, comme cégep, dépanneur, débarbouillette, aréna, bleuet, banc de neige, etc.

Même les produits Bescherelle ont leurs petites divergences : le conjugueur Bescherelle La conjugaison pour tous (Europe – Éditions Hatier) et le conjugueur Bescherelle L’art de conjuguer (Canada – Éditions Hurtubise) ne sont pas des produits strictement identiques, ne serait-ce que dans leur nomenclature (liste des verbes répertoriés).

Puisqu’un dictionnaire est un objet culturel qui consigne et décrit des réalités sociales, plusieurs de ses définitions sont précédées de marques d’usage pour marquer certains emplois.

Ainsi, sur le plan géographique, des mots ou des sens qui sont employés seulement dans une partie de la francophonie seront identifiés par des marques comme QUÉBEC, ACADIE, AFRIQUE, FRANCE, BELGIQUE…

Sur le plan social ou situationnel, certains mots ont une connotation FAMILIÈRE, POPULAIRE, ARGOTIQUE, SOUTENUE, etc. Il sera important qu’une personne qui rédige ne confonde pas, par exemple, l’emploi de bouquin (contexte familier) et celui de livre (neutre). Les dictionnaires sont là pour nous informer de ces nuances d’emploi en matière de registre de langue.

Sur l’axe du temps, certains mots ont un sens moderne, certains sont vieillis (ou un de leurs sens est vieilli), d’autres sont carrément vieux. Quelle est la nuance? Un mot ou un sens marqué VIEILLI dans un dictionnaire signifie qu’il tend à disparaitre de l’usage, mais qu’il est encore connu et compris. Un mot ou un sens marqué VIEUX signifie qu’il n’est plus compris aujourd’hui. Si certains termes VIEUX continuent d’être consignés dans les dictionnaires, c’est pour qu’on puisse en vérifier la définition lorsqu’on les rencontre en lisant des œuvres d’auteurs des siècles passés. Mais ils ne devraient plus être employés dans un contexte de rédaction moderne.

Toutes ces marques d’usage régional, social, situationnel ou temporel qui sont présentes dans les dictionnaires nous aident à vérifier la pertinence d’emploi de tel ou tel mot dans nos textes. N’hésitez pas à consulter un dictionnaire!

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