Il arrive que l’accord du verbe dans certaines locutions nous laisse incertains. C’est le cas par exemple de « vive », « soit », « qu’importe et peu importe », « n’était ou n’eût été ». Ces expressions sont-elles invariables ou doit-on accorder le verbe avec son sujet ? Examinons-les.

Vive est une forme conjuguée au subjonctif présent du verbe « vivre » et correspond à une interjection signifiant« longue vie », « bravo », « gloire à ». Elle exprime l’admiration, l’appréciation.

  • La plupart du temps, cette exclamation demeure invariable. Ainsi l’emploie, par exemple, Boris Vian dans son conte L’herbe rouge, alors que le mécanicien Saphir Lazuli se saoule en partageant la bouteille d’alcool avec son patron l’ingénieur Wolf : « Et vive les récipiendaires !»
  • Toutefois, la forme plurielle est également admise dans l’usage littéraire par les grammairiens. Elle se rencontre chez plusieurs auteurs, dont Jean de la Fontaine qui écrit, dans la fable La Chauve-souris et les deux belettes, lorsque la chauve-souris plaide ne pas être un oiseau pour éviter d’être dévorée par les belettes : « Je suis souris : vivent les rats !» Victor Hugo s’écrie également dans Les châtiments: « Vivent les gens d’esprit, vivent ces temps faciles […] »
  • À noter que lorsque le sujet n’est pas conjugué à la troisième personne, vive est obligatoirement invariable. Exemple : « Vive nous tous !»

Soit est une forme conjuguée au subjonctif présent du verbe « être ».

  • Placé en début de phrase, il peut signifier « supposons » ou « étant donné ». Il s’accorde alors le plus souvent avec le sujet placé après lui. « Soient deux grandeurs égales ajoutées à deux grandeurs égales», suppose ainsi le philosophe Hyppolite Taine dans son célèbre ouvrage De l’intelligence.
  • Considéré comme une formule impersonnelle, il signifie « voici ou voilà », et dans ce cas, il demeure invariable. Les mathématiciens l’utilisent de la sorte, à l’instar de Georges Foulon, dans son manuel Trigonométrie : « Soit x et y les mesures des deux arcs considérés. »
  • Employé en tant que conjonction, il introduit une explication ou une équivalence, et signifie « c’est-à-dire ». Il demeure alors invariable, comme dans cet exemple : « Le billet coûte 20 dollars, soit 15 euros environ. » En tant que conjonction invariable, il peut aussi marquer l’alternative et remplacer « ou ». Blaise Pascal, dans ses lettres Les Provinciales, l’utilise ainsi : « Soit qu’il soit fidèle, soit qu’il ne le soit point. »
  • Enfin, « soit » est un adverbe et donc invariable lorsqu’il exprime une approbation. Dans ce cas, il signifie « d’accord » et l’on prononce le « t » final, ce qui n’est pas le cas des autres emplois de « soit » (sauf s’il y a liaison, bien entendu). Exemple : « Eh bien soit, je me laverai les mains plusieurs fois par jour !»

Qu’importe ou peu importe sont des expressions formées avec le verbe « importer », qui signifie « compter, avoir de l’importance ».

  • En principe, le verbe s’accorde avec le sujet qui le suit. « Qu’importent ces folies ? » s’exclame ainsi le Valentin d’Alfred de Musset, dans la pièce de théâtre intitulée Il ne faut jurer de rien.
  • Toutefois l’usage tend à rendre ces locutions invariables, et l’on peut écrire, à l’instar de Roger Martin du Gard dans sa célèbre série romanesque Les Thibault: « Peu importe les soldats… »
  • Attention, l’expression « n’importe », qui indique que le nom qui suit est indéterminé, est toujours invariable. Exemple : « N’importe quelles couleurs s’accordent avec cette teinte.»

N’était et n’eût été sont des locutions qui introduisent une proposition conditionnelle, et qui signifient : « si cela n’était pas, si cela n’avait pas eu lieu, etc. » Elles sont utilisées dans des textes littéraires et expriment un fait hypothétique qui ne s’est pas produit.

  • Généralement, le verbe s’accorde avec le sujet qui suit : « N’étaient les précieux tapis de soie par terre, on se croirait en Europe», écrit Pierre Loti dans Vers Ispahan, son récit de voyage en Perse. « N’eussent été les fumées des toits, le village eût semblé désert», relatent les frères Jean et Jérôme Tharaud, dans L’Oiseau d’or.
  • Il arrive cependant que ces expressions restent invariables. L’on considère alors que le pronom « ce » est sous-entendu (« si ce n’était ») ou que l’expression est assimilée à la préposition « sauf » : « N’était son regard et sa voix mouillée, tout, en son corps, sent précocement le cadavre», note Georges Duhamel dans Vie des martyrs, son chef-d’œuvre consacré aux militaires blessés lors de la Première Guerre mondiale.
  • Attention: L’emploi de la préposition « de» entre ces locutions et le sujet qui les suit est une erreur fréquente à ne pas commettre : On écrit « N’eût été son passé » et non pas « N’eût été de son passé ».
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